Kitsch, du joyeux bazar à la rédemption
CULTURE
William Arlotti
— 15 min. de lecture
@Glen Luchford - Jeff Koons - Tate - Pietro D’Aprano - Getty© Seymour/Magnum - © Getty - Glen Luchford - Steven Meisel - Louis Vuitton - Horst - Moschino
Depuis quelques saisons, stylistes et designers pensent des collections en cadavres exquis, en jetant un regard vers l’histoire du costume et des cycles des Modes. Elles et ils piquent et accumulent des pièces « datées » pour recomposer une belle partition qui doit être toujours nouvelle... Ainsi, une robe victorienne en mousseline se portera avec un perfecto des années soixante. Une combinaison aux manches chauve-souris, all-over glitter s’acoquinera de plateforme-shoes et d’un fedora… La ligne H piqué à Yves se retrouvera, sans citer la source, chez la maison X… Les looks qui défilent sont des « hommages sans référence », mais sous influence d’un monde globalisé. Cette remastérisation fait le grand écart, un jour entre l’Ere des Lumières mixée à l’Egypte Ancienne et le lendemain, au Glamour Hollywoodien des années trente basculé dans la décennie électro-rave nineties… Depuis la « disparition » des créateurs des années 80 qui s’inspiraient de la rue, les plans de collection ont des processus hétéroclites. Les saisons suivent un rythme de plus en plus effréné où le vêtement, à bout de souffle, est devenu un simple produit culturel de masse, avec ses traits triviaux, déjà démodés et si « populaires ». La mode reste le reflet de nos sociétés : mode politique, mode philosophique, mode culturelle avec son jugement de valeurs et ses normes qui nous conditionnent…
VERKITSCHE TOUT UN PROGRAMME... Cette nouvelle manière de créer se fait sur les bases d’une cuisine atypique en suivant un livre de recettes dada, surréalistes… Les styles passent dans une machine à laver sur la touche essorage pour nous proposer le Kitsch… Dans ce tambour à remonter le temps, téléportons nous en 1860 avec une étymologie en trois temps, trois mouvements. Le mot vient du verbe germanique «verkitschen»… C’est « brader, vendre en dessous du prix, vendre quelque chose à la place de ce qui avait été demandé ». Le kitschen en allemand n’a rien à voir avec son homonyme anglais car il signifie « ramasser des déchets dans la rue ». Cela n’est pas très flatteur si nous le transposons à l’univers de la mode… Une autre étymologie nous murmure que le mot « Sketch », mal prononcé, serait à l’origine possible du terme « Kitsch »… Enfin, le phénomène est lié au maniérisme de Louis II de Bavière et à sa mégalomanie excessive…
LA PETITE BABIOLE QUI FAIT CRAQUER Inauthentique… Surcharge et mauvais goût… Des babioles, des bibelots, des objets à la production artistique plus que douteuse, toujours industrialisés, et bon marché…Voilà, c’est dit. Le Kitsch est indissociable de l’industrie de consommation de masse. Est-il alors compatible avec le concept de luxe, l’idée de rareté, de pièces et de métiers d’art ? L’achat reste une valeur doudou, un refuge, un gri-gri pour se réconforter… Au hasard chez Gucci, une bague tête de taureau en « émail » Anger Forest est à 470 €… Le sac à dos à logo Coco Capitán, comme « griffonné au feutre » est à 1.490 € et une robe en soie à imprimé bouquet pictural est à 2.700 €… Pas mal la petite babiole, non ? Il apparaît alors, furtivement l’ombre du mauvais goût, ce bad-taste, cette touche has-been, ce souvenir d’un départ en vacances, avec sur la plage arrière de l’automobile ce petit toutou en plastique floqué qui remue la tête... Ce chiot nous balance un « oui-oui-oui-oui » mécanique et nous rappelle que la robe chasuble d’une tante old-school est agrémentée de décorations superflues… Tatie veut faire un peu plus jeune et rester yé-yé. Un flashback récent nous emmène au Louvre voir le sourire de la Joconde. Il est scotché sur un sac-àmain et un foulard de la collection Masters, issue de la collaboration entre Louis Vuitton et Jeff Koons. Ce n’est pas une première. Takashi Murakami avait détourné la connotation puérile manga, vibration kawaï, sur la toile au monogramme LV… Chez Moschino, Jeremy Scott mixe du Chanel 84 avec du Versace 92 pour faire une ode à la Junk Food... Absolument kitsch-trash…
LA TROISIEME VAGUE Le kitsch copie des oeuvres reconnues. Ce n’est pas un scoop, du « pomme C pomme V » de grands classiques, illustrant nos changements sociaux et nos mutations historiques… Une première vague, au milieu du XIXème siècle correspond à une phase d’industrialisation et d’urbanisation avec la naissance d’une nouvelle classe moyenne. Elle rêve la Bourgeoisie et cherche un accès aux divertissements dans un succédané de culture… Au milieu du XXème siècle… Paradoxe ! Le kitsch est utilisé pour condamner la société de consommation, la culture des vilaines élites qui impose sa propagande et manipule les masses… Pink Flamingos, film américain de John Waters, sorti en février 1972 est devenu cultissime, volontairement trash, pour un public averti avec des scènes inouïes… Divine, castafiore décatie, s’agenouille à côté d’un petit caniche en train de déféquer sur un trottoir… Puis elle ramasse la crotte et la gobe, avant de consciencieusement la laisser fondre sur sa langue... Un troisième tempo est amorcé par la chute du mur de Berlin en 1989 qui accélère la globalisation et la mondialisation économique… La masse devient insensible aux valeurs culturelles authentiques, mais reste toujours avide de divertissements, de télé-réalité, de peoples à travers des vies liquides : notre système est pris dans le flux incessant de mobilité et de vitesse, célèbre le triomphe de l’obsolescence, de l’éphémère et du consumérisme des humains et des objets...
NOSTALGIE EMOTIVE DU « C’ETAIT MIEUX AVANT » Dans un monde anxiogène, une planète devenue un village où nous avons accès à l’information nomade en temps réel via nos smartphones et nos tablettes, le Kitsch est une piqure de bonheur qui nous shoote et qui casse avec les codes du quotidien… Adieu minimalisme des podiums, introspection de designers tourmentés, mode-psychanalytique qui envisage le corps humain comme un gant retourné, avec Domenico Dolce et Stefano Gabbana, le printemps été 2016 joue sur les traits exagérés et grossissants d’une Italie de Carte Postale, version années cinquante… Une mode affective au mauvais goût assumé, parfois rococo, avec des tissus supra-fleuris rebrodés de fleurs, des tissus de nappes napolitaines. Le tout en devient branché lorsque les silhouettes sont comme des poupées souvenirs, et participent à un folklore mis sous boule de neige, aussi ornementé qu’une horloge bavaroise… Les régions passent à la moulinette et les costumes folkloriques qui signaient une richesse diversifiée, s’effacent dans un minestrone… Plus fort qu’une soupe Campbell vue par Andy Wahrol… « Coucou » ou plutôt « Ciao bella »… Les robes traditionnelles d’Emilie Romagne, les jupons folks d’inspiration champêtre de Toscane, la ligne des tailleurs des actrices de Cinecittà et la mode balnéaire de Portofino remplacent le coucou des pendules avec humour… Il en faut de l’humour quand les codes de culture populaire et accessibles passent vers un masstige, ôde à un luxe ostentatoire…
LE GRAND MIX Quant à Gucci, la maison italienne est métamorphosée par son directeur artistique Alessandro Michele qui insuffle une mutation Kitsch. Nous en oublierons presque Frida Giannini… "Che cosa succede amore" parce qu’en regardant dans le rétro-viseur-fashion, le Porno Chic, signé par Tom Ford sous la présidence de Domenico Del Sole semble si lointain... Chaque période a son humeur créative et chaque tempérament habille l’époque… Plus vite qu’un imprévisible courant d’air à saisir au vol, la dimension Gucci-Kitsch, parfois glam-rock, souvent hippy glamour replace la maison italienne au centre de tous les désirs, de toutes les attractions, de toutes les convoitises dans notre planète mode… La marque de maroquinerie crée en 1923, incarnait le luxe à l’italienne dans les années 70 pour s’essouffler en raison de drames qui déchireront la famille fondatrice... De la logique paradoxale du bazar organisé, le kitsch nous emmène vers la providence d’un certain gout, bad ou good taste, beau ou laid… Seul un divin créateur, ou une cliente qui voudrait rester « in » devant une saison intemporelle, pourraient en juger… Car dans la proposition créative d’Alessandro Michele, il y a du Jules-François Crahay, couturier phare des années 60 et 70. Avant lui, Yves Saint Laurent en a retiré de belles influences et Christian Lacroix l’a vu comme un inspirateur pour sa propre mode fantaisie, à opulence nonchalante, au chic exceptionnel. La figure piquée au dandy de Brummell, démontre que la mode et ses colifichets, sont les apanages des riches et des oisifs. Mais la vraie source est la créatrice Théa Porter, tout en grâce, à l’excentricité anglaise qui la caractérise… Un mélange de flower 70, de glam, de couture qui nous rappelle Ossie Clark. C’est le propre de la mode de s’inspirer de choses et d’autres car elle questionne sans cesse le renouveau et la saisonnalité… La mode est toujours cette adolescente insolente, belle qui se réinvente pour ne jamais vieillir et pioche dans le dressing de ses parents pour s’affirmer…
GUCCISATION DU SYSTEME DE MODE Cette nouvelle mode « guccizante » fabrique un langage, une narration avec des éléments et un assemblage toujours récurrents. Si les collections suivent une illogique surréaliste, la narration stylistique, les choix des lieux des défilés construisent une logique où se rencontre l’improbable-équilibre. Les énigmes de l’enquête n’ont pas la vocation à se compléter, ni à s’associer, encore moins à participer à un plan de collection mais le résultat offre une garde-robe « surprenante ». Chaque look semble être dédié à un édito mode, et la panoplie pousse à l’idée de se dire « pourquoi pas moi… » Le Kitsch écrit son manifesto à la gloire de l’individualité pour affirmer en technicolor la liberté d’être ce que nous sommes, ce que nous voulons devenir : être le plus libre au possible, en échappant au carcan de nos sociétés de plus en plus normées et uniformisées... Comme un dj qui fait son sampling, Alessandro Michele capte une Amanda Lear Queen of Chinatown, un brin de swinging London, les tenues des partykids en plein clubbing new-yorkais dans les années 90… Les filles défilent comme des ingénues désinvoltes, vêtues de vitraux gothiques, brodés et imprimés. Elles deviennent des princesses Manga Kawaï sorties de la promotion d’un collège en 1972… Le tailleur scintillant verdoyant ou à tartan masculin serait parfait pour une photo devant un beau sapin roi des forêts… Le manteau est un allover flash en néon. Ça pique… Le pyjama dandy invite à la paresse sans nous endormir. Les petites robes victoriennes renvoient aux courtisanes violentées par un blouson punky…Le jean pat’d’eléphant s’accommodera d’une blouse à lavallière échappée de la cour de Louis XVI… Ce Kitsch devient la promesse d’un bonheur, par une mode ludique. La notion des plaisirs est une piqure de bonheur dans notre monde pas très joyeux. Amusons-nous et oublions d’être sage, de faire la gueule au premier rang… Cela est une autre histoire mais cet happening-joyeux plante sa stratégie globale dans des décors uniques, des lieux merveilleux, improbables, comme une église, un palais, l’Abbaye de Westminster. Comme dans l’Italie de l’après-guerre, une collection trouve un écrin dans un palazzo d’une bourgeoisie désargentée pour redorer les blasons et échapper à une triste réalité… Il faut bien rêver…
UNE DIMENSION FELLINIENNE Dans les campagnes Gucci réalisées par Glen Luchford se perçoit une trame Fellinienne. A Rome, A Berlin, dans la ville ou sur un dance-floor, ce surréalisme en Dolce Vita, capté dans une pellicule aigre-douce, écume un monde où notre société de consommation vacille… C’est décalé et mondain avec sa jeunesse dorée, ses idoles, ses starlettes du net lumineuses et hypnotiques, fascinant les réseaux sociaux… Le tout en rêvant à une faune sidérale et à une flore idéalisée, l’ivresse sauvage offre un vertige ou le kitsch permet au final d’accepter sans sourciller, sans plus s’en étonner, un système ambigu… De la dentelle en crochet, de la fourrure brodée et des imprimés sortis d’un bestiaire, des notes art déco, des motifs-émotifs floraux kaléidoscopiques comme vue sous LSD, du lurex scintillant transpirant le Studio 54, un denim Papa don’t preach, délavé-usé-patiné, du nylon breakdancer, un cuir croco brillant et des soieries années 20 rebrodées, imprimés psychédéliques « Puccinesques » zappent les décennies, font le grand écart pour copier The Cockette : groupe de théâtre hippie-psychédélique d’avant-garde fondé par Hibiscus alias George Edgerly Harris II à l’automne 1969. La troupe s’est formée à Kaliflower, l’une des nombreuses communes à Haight-Ashbury, quartier de San Francisco, en Californie. Hibiscus est venu vivre avec eux en raison de leur préférence à s’habiller scandaleusement et a proposer l’idée de mettre en valeur leur style de vie sur la scène. Rien n’est inventé. Tout est recyclé comme dans un vieux film de science-fiction des années 50 et 60 avec des robots, des créatures intergalactiques. Un paradis artificiel recompose L’étrange créature du lac noir, Planète interdite, Star Trek…
TRANSGRESSER POUR S’AFFIRMER L’iconographie et les codes couleurs, la musique disco sensuelle nous font passer à travers le miroir d’Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Carrol… It-girl à la sauce Wes Anderson allant vers un style nova geek version seventies, c’est comme si Peggy Guggenheim s’attablait avec Janis Joplin, Wallis Simpson, Lady Gaga, Ziggy Stradust et toutes ces autres figures inconscientes et fantasmées qui participent à destiner une mode… Un kitsch comme fil conducteur au fil des saisons ou l’androgynie du glamrock s’acoquine des fastes de la Renaissance Italienne, avec le charme des mignons et des courtisanes du Roi Soleil, sans oublier la nonchalance des gentlemen-farmer de l’Ere victorienne, l’allure prépubère des dandys d’un paris Art Nouveau... En passant à travers le miroir, le consomm’acteur et la consomm’actrice plongent dans le pays des fantasmes sexuels. C’est planant. Le rendu visuel symbolise un saut dans un monde de fantaisies et de fantasmes sexuels. La puberté incarnée, d’une jeune en période d’essais, transgresse les expérimentations…
SURVISIBILITE MUETTE La panoplie du « too much », embellie par des accessoires, est à placer au même niveau qu’un trophée de chasse… Et celle ou celui qui adopte le look sera habité par son costume même quand l’iconographie Disney vient y mettre son grain de sel... Tu renvoies un message de pouvoir et de victoire, le savais-tu ? Comme un paon qui fait sa roue, la sur-visibilité est un signe d’intimidation où se superpose celui de l’exaltation du corps. Alessandro Michele comme un peintre de la Renaissance magnifie le corps humain, et le grandit avec des talons ou des chapeaux, rend plus étroites les épaules des hommes, élargit celles des femmes, resserre une taille pour bien séparer le haut noble du bas ignoble. Le créateur masque les sexes pour révéler les visages et rassemble tous les fantasmes collectifs de l’inconscient mode dans un corps androgyne, à la taille de guêpe, parfois aux codes des Mods. Dans ce shaker, il y aussi du brandebourg, des galons militaires avec des dorures XVIIIème. Et dans ce trop plein d’information, la manche gigot, les franges hippies, le glam rock, for ever, avec une ligne kimono mise sur des pulsions chromatiques. Le discours muet mais intensément visuel est à tenir aux autres pour les avertir de ce que nous sommes et de ce que nous aimons : orange « mécanique », clin d’oeil à Stanley Kubric, référence à la nuance datée, éloge aux années pop et au tout plastique de la pétrochimie qui botte en touche dans la collection Gucci de l’ Automne-hiver 2016-2017… Cet orange est celui de Monoprix mais sans la mode à petits prix… Une saison auparavant, l’objet de tous les désirs étaient sur des mocassins à fourrure. Pour twister sa différence, la chaussure est la métaphore du vagin et le pied symbolise le pénis… Le mocassin à fourrure versus la chaussure de vair de Cendrillon est la promesse d’une adolescence et d’une jeunesse éternelle… Shocking… Rebelle… Une manière d’amorcer un renouveau, de refuser le temps qui passe et de faire un fashion-disrupting pour Gucci.
ROMANTIQUES FLEURS DU MAL Tous ces signes brouillent les pistes en faveur d’un bazar insensé. A New York en 2016, la collection entre en correspondance avec la Chine impériale. Dans ce show épique, un sas spatio-temporel nous téléporte vers l’Ancien Régime de France et l’Amérique au XIXème siècle. Les Seventies sont un parfum fédérateur pour des silhouettes en fleurs vénéneuses… Le total look attire l’attention mais clame « un qui s’y frotte s’y pique »… Comme la fleur carnivore parée de ses plus belles couleurs, le message renvoie une alerte, un danger, de celle qui le porte à celui l’observe… L’insecte sera attiré, dévoré sous des effets psychotropes… Au Printemps-Eté de la même année, un Jardin des Délices nous ballade déci-delà dans la peinture à l’huile sur bois du peintre néerlandais Jérôme Bosch. La vraie source est la Carte de Tendre, tracé allégorique d’un pays imaginaire datant de 1654… Le tout donne la sensation d’une préciosité maniérée où s’impriment et se brodent des fleurs, des bouches, des noeuds, des papillons, des oiseaux. Les effets en trompe-l’oeil sur un motif Tian auraient plu à Jean Cocteau et Elsa Schiaparelli…
A BOUT DE SOUFFLE Le Kitsch est un standard qui détourne efficacement l’attention par la distraction et favorise l’engagement du consommateur, tout en démarquant le label de ses concurrents. La proposition surprenante, la qualité exceptionnelle et l’émotion composent la formulation éprouvée du monde du luxe. L’ émotion est souvent fondée sur un sentiment d’exclusivité, de rareté que procure la possession ou la consommation de ces objets exceptionnels. Le monogramme, les signes tangibles qui construisent le label sont donc reboostés… Il ne faudra pas oublier l’accélération de nos vies multiples, cumulées à notre nouvelle relation aux choses, qui conduisent les groupes de luxe à repenser leurs stratégies pour retenir encore plus notre attention. Les consommateurs sont de plus en plus volatiles, infidèles et exigeants en raison de la profusion de l’offre et de l’expérience. Notre rapport au temps est brouillé. La perception immédiate d’un futur est incertaine. Le présent est à vivre au jour le jour, à la fois imprévisible et incontrôlable. Le Kitsch suscite un engagement et un achat plaisir, régressif, pas sérieux pour enfin oser… Le Kitsch est un bon stimulant dans les collections, pré-collections, pré-fall et croisière. Les saisons intermédiaires sont devenues aussi importantes que les lignes principales pour répondre à la demande des client(e)s, en quête permanente de la nouveauté, avec joie, d’insouciance. Moteur d’une dynamique du renouvellement, le Kisch est une manne financière dont la maison de luxe aurait bien du mal à se passer. Sa sur-médiatisation vient surtout servir une image globale et appuyer le message innovant, facétieux et créatif du designer. Les accessoires, les sacs, les iconiques de la saison, les hitsproduct, les pièces fortes sont encore plus désirables et renforcent des ventes des lignes plus accessibles, en termes de prix mais aussi de « portabilité »… La durée de vie est plus éphémère que les collections qui défilent… Le business du Kitsch est de plus très sensible à la communication qui fera le buzz, touchant des client(e)s de plus en plus influencé(e)s par le tempo qu’imposent les réseaux sociaux. Le Kitsch permet de donner l’illusion de rompre avec le timing classique des saisons, premier obstacle auquel se heurte l’industrie. Les client(e)s ont changé leur façon de faire du shopping, et c’est comme si Elles et s’ils se retrouvent devant la vitrine d’une pâtisserie… A peine l’éclair englouti, que nous n’en avons plus envie et que le millefeuille nous tenterait bien…
Ce n’est pas grave si vous croquez à peine dedans car stratégie marketing oblige, le Kitsch est à la fois une boulimie et une bondieuserie. Les marques pour contourner l’écueil de la rareté réelle mise sur un sentiment de sanctification religieuse et sur une artification de leur ADN, de leur histoire, de leurs codes… Nous oublierons la production en grandes séries, admirant une fausse unicité. Et dans cette singularité, nous vénèrerons la suprématie absolue du label… Si le Kitsch fait l’inventaire d’éléments 100% acceptables, sur lesquels nous pouvons espérer toutes et tous bien nous « entendre », dans une grande messe transgénérationnelle, nous pourrions être lassé par le format… Proche de l’overdose, nous pourrions avoir l’envie sincère et éveillée de passer littéralement à autre chose… Jamais trop tard pour la rédemption…