Partisan de l’instant présent, le photographe Keffer écume les soirées parisiennes pour immortaliser la nuit.
A travers des clichés exclusivement en noir et blanc, il documente ces rencontres cocasses dans un livre intitulé « The Night Day ».

Le Social Club, Le Consulat, Chez Régine, Le Silencio, Le Rex Club, Chez Castel, Les Bains Douches, Peacock Society, Le Montana, Le Palais de Tokyo, Le Pink Paradise, Les Nuits Sonores ou encore La Gaîte Lyrique… Les hauts-lieux de la fête parisienne n’ont aucun secret pour Keffer. Des mystères - et autres anecdotes festives - que ce dernier compile justement dans un ouvrage de 139 photographies. Depuis dix ans, l’artiste noctambule arpente les couloirs moites, les salles bondées et les scènes déchaînées pour capturer le monde de la nuit, dans tout ce qu’il a de plus singulier et décadent.

Dans son objectif - signature, car toujours en noir et blanc - se succèdent fêtards anonymes, parisiens mondains et quelquefois, tout à fait par hasard, personnalités imminentes de l’industrie de la musique, de la mode ou du cinéma à l’image du DJ Diplo, de la star du burlesque Dita Von Teese, du rappeur A$AP Rocky, du photo-graphe Terry Richardson, de Laurent Garnier ou du duo Justice. Ces rencontres, aussi inopinées que fascinantes, sont d’ailleurs à l’origine même du projet "The Night Day" imaginé par le photographe : qui de mieux pour décrire la nuit que les personnes qui la consume ?

Filles désinhibées, situations sans filtre et substances illicites… C’est en 2006 dans le restaurant Maxim’s à l’occasion d’une soirée Super Nature de Sylvie Chateigner - créatrice de mode et figure de la nuit parisienne - que tout débute. Le chasseur d’images erre, capture et raconte : « Je ne connaissais pas encore Sylvie à l’époque, mais mon pote Amnaye Nhas m’a invité en me conseillant de prendre mon appareil photo. Visiblement, il fut assez convaincant car elle m’a laissé entrer avec. C’était pourtant un truc peu courant dans ses soirées, car en temps normal, elle n’acceptait aucun photographe au sein de ses fêtes, histoire que ses invités profitent pleinement de ces moments, sans craindre de voir apparaître des photos compromettantes plus tard. Je suis donc là, dans un des lieux les plus

beaux de Paris, complètement fasciné, au beau milieu d’une foule festive où tous les styles et les genres se confondent. Au début, je ne me sentais pas vraiment à l’aise, j’avais chaud, je ne connaissais presque personne… Je me suis dit qu’un verre ne me ferait pas de mal. La suite, je me rappelle plus vraiment comment c’est arrivé : Christine, une drag-queen, m’a regardé d’un coup d’oeil qui semblait dire que j’avais son aval, pour les prendre en photo, elle et ses ami(e)s. J’ai donc commencé à les photographier. Elles voulaient nous faire un show privé donc je les ai suivies. Christine est montée sur les marches qui conduisaient aux platines du DJ, a trébuché et est tombée
par terre. Mais au lieu de se relever, elle s’est mise à poser, comme si elle me mettait au défi de la prendre en photo à cet instant précis. Et je l’ai fait, ce moment-là, ce cliché, c’est le commencement de mon projet "The Night Day" et d’une certaine façon, de ma carrière de photographe aussi ».

S’en sont suivis des tonnes de clichés, au fil des soirées, aux quatre coins de la capitale, au fil des années, où les clubs s’ouvrent et se ferment, au fil des mondanités, qui se font et se défont… Keffer s’y faufile, scrute la nuit et toutes les folies qu’elle recèle. Le résultat ?
Son livre "The Night Day", condensé esthétique de la nuit parisienne, mais aussi véritable tentation à envisager les milles et une possibilités qui se profilent une fois le soleil couché.