Kate Moss, de la poudre à dollars
LIFESTYLE
Violaine Schütz
— 5 min. de lecture
Mario Sorrenti, Adam Whitehead,
La brindille est une allumette. brûlant la vie par les deux bouts, elle a failli mettre le feu à sa carrière avant de revenir encore plus scandaleusement bankable après le fameux "cocaïne Kate". la Top de 44 ans a-t-elle changé son aura rock en or ? Récit.
On a croisé Kate Moss trois fois. La première, c’était au Ritz au milieu des années 2000, elle dansait et chantait très fort, visiblement éméchée, un de ses morceaux préférés Do you really want to hurt me de Culture Club, façon Anglaise trash en fin de soirée. La deuxième, c’était au Baron, elle avait l’air jalouse concernant son compagnon de l’époque et futur mari (épousé en robe Galliano, autre figure scandaleuse de la mode), Jamie Hince. La dernière fois, c’était encore au Ritz, cette année, et avant de la reconnaître, on l’a prise pour une rock star en goguette avec sa dégaine sauvage, ses cernes, son jean slim et ses boots en cuir. Kate Moss n’a jamais été un mannequin comme les autres.
Katherine Ann Moss est née le 16 janvier 1974 à Addiscombe, quartier de Croydon à Londres et a démarré sa carrière à l’âge de quinze ans en détonnant dans le paysage de la mode. Un an avant elle tapait dans l’oeil d’une bookeuse - Sarah Doukas - à l’aéroport JFK : Katherine ne ressemblait à personne mais on ne voyait qu’elle dans la foule. Très mince, sans formes apparentes à l’ère des super modèles ultra féminines (Cindy, Naomi, Claudia et consorts), les jambes arquées, elle est aussi plus petite que la moyenne, du haut de ses 1m72, avec des canines "mal rangées" qui lui donnent un air d’animal étrange mais follement charmant.
Il faut y ajouter une âme rebelle et un air farouche chez cette fille d’un agent de voyage et d’une serveuse. Mauvaise élève, la gardienne de l’équipe de football de son quartier préféré aime s’encanailler dans les clubs et les pubs avec ses copines et des gens plus âgés.
Dans les années 90, son allure différente, grunge et fraîche font déjà scandale, dans des pubs dénudées pour Calvin Klein et des shootings en sous-vêtements dans la presse mode. Apparaissant juvénile et sexy, on accuse les photos de faire la promotion de la pédophilie (pour ses airs de gamine) et de l’anorexie.
HEROÏNE GRUNGE
Cela fait beaucoup d’accusations pour une jeune fille de 19 ans souvent livrée à elle-même entre deux shootings à l’étranger. Katherine n’arrête pourtant pas de travailler. Elle défile rapidement pour Yves Saint Laurent, Versace, Chanel, Gucci, Dior, Marc Jacobs et John Galliano. A 20 ans, la jeune star des podiums est millionnaire et c’est un phénomène de société. En 1994, une rencontre va ajouter à la party girl un parfum de souffre. Elle tombe amoureuse de Johnny Depp et les deux jeunes éphèbes au look rock défrayent la chronique en saccageant des suites d’hôtels de luxe à grande consommation de stupéfiants. Parano et peu sûre d’elle, Katherine a peur que l’acteur la trompe ou la largue et le harcèle au téléphone.
Quand il la quitte en 1997, lassé par ses accès de folie, elle tombe en dépression et part se reposer à la Priory Clinic de Londres. Elle déclarera ensuite dans Vogue : « Nous avions tous pour habitude de nous saouler aux défilés. » Le livre Champagne Supernovas de Maureen Callahan sorti en 2014 le confirme : l’existence de la top dans les années 90 était plus que débridée. Au moment de son explosion, elle picolait tellement qu’elle restait parfois deux semaines d’affilées sans sortir de son lit. L’auteur écrit : « Kate était capable de sniffer trois grammes de cocaïne et de boire une bouteille entière de vodka à elle toute seule. On la surnommait à l’époque "The Tank" (la citerne) pour sa capacité à boire d’énormes quantités d’alcool, très vite. » Lorsque Katherine apprend en 1998 que Depp est en couple avec Vanessa Paradis et qu’elle attend un enfant, elle s’envole pour Ibiza se défoncer deux semaines. Et elle se fera même hospitaliser après des excès en Thaïlande et peu après Ibiza. Les tabloïds révèlent aussi les soirées à teneur très sexuelle que fréquentait Katherine avec son couple d’amis Jude Law et Sadie Frost, réputés pour leurs orgies.
SUPER GROUPIE
Alors qu’elle enchaîne les contrats et les couvertures de magazines (plus de 300 en tout), Katherine continuera de faire la fête, photographiée le teint diaphane à la sortie des clubs. En fait, celle qui a chanté avec Primal Scream et les Babyshambles, tient plus de la rock star que du mannequin au train de vie healthy. Elle ne commencera le sport et le jus vert que passée la quarantaine quand elle deviendra patronne de sa propre agence de mannequins. D’ailleurs, son crew est surtout constitué de musiciens. David Bowie, Ron Wood, Iggy Pop, Keith Richards, Oasis... La blonde joue aussi dans des clips de Marianne Faithfull, George Michael, Paul McCartney, Johnny Cash et The White Stripes (signé Sofia Coppola). Elle posera même pour la sublime pochette d’Olympia de son grand ami Bryan Ferry (Roxy Music). Dans le milieu, Katherine a la réputation d’une super groupie, qui choisit ses futurs petits amis en reluquant la presse musicale. Elle vivra une passion avec Jamie Hince des Kills qu’elle épousera et surtout, le sulfureux Pete Doherty rencontré en 2005. A eux deux, ils vont incarner la trinité "sexe, drogue et rock’ n’ roll" en trainant leurs bottes élimées et leurs cigarettes dans les festivals de rock et les soirées sans fin.
COCAÏNE KATE
Sauf que son amour fusionnel pour Pete va la conduire momentanément à sa perte. En septembre 2005, le tabloïd anglais The Daily Mirror publie une photo la montrant consommant de la cocaïne. L’incident lui fait perdre aussitôt de nombreux contrats. Alors qu’elle se fige depuis des années dans le silence et le mystère, elle doit publiquement s’excuser. La love story entre Moss et la mode toucherait-elle à sa fin ? C’est mal connaître la capacité de résilience de Katherine. Après une cure de désintoxication, le mannequin fait son retour et se voit soutenue par Anna Wintour. Les marques la redemandent et trois ans après, Forbes indique qu’elle est la troisième top la mieux payée au monde. Le scandale semble avoir décuplé l’aura rock de Katherine, qui vend plus que son corps et son image depuis déjà longtemps. Proclamée muse "héroïne chic", elle gagnait après le scandale 9 millions de dollars par an et se ferait payer 400 000 dollars par shooting d’après le Vanity Fair US. A propos de son refus de se marier à l’église avec Jamie Hince, Katherine avait déclaré : « On aurait tous brûlé en enfer avec toute la merde qu’on a fait dans notre vie. » Mais elle a oublié de dire que plus que n’importe quelle autre, elle aura su transformer la boue en or.