Burning Man, No Limit
CULTURE
Julien Millet
— 6 min. de lecture
Scott London
Décollage, pour un trip unique, inoubliable, un voyage en terre étrangère, un monde fou pour celui qui viendrait s’y perdre. Une réalité impatiemment attendue pour les autres.
Avant l’arrivée sur le site de la Playa, l’air se réchauffe, l’excitation monte. Un même lieu, mais toujours différent où la création surpasse la précédente, d’année en année, un "je rêve donc j’agis".
Le Burning Man, qui est plus un rassemblement arty, à l’expression libre. Créé à ses débuts par Larry Harvey à San Francisco, il fut réédité plus tard par John Low et Michael Mikel à Black Rock Nevada appelé aussi "La Playa". Résolument différent de tous les autres festivals, une ville autonome de 70 0000 personnes émerge du désert.
Là commence, pour ceux qui n’y ont jamais participé, l’expérience qui peut changer une vie. Une fois arrivés, les aficionados déchargent d’impressionnants contenus, pour transformer, enrichir le décor. Meubles, constructions éphémères, nourritures et boissons, ils s’activent dans tous les sens, sur fond de musique électro. Le principe est simple. Il faut s’autosuffire en tout, donc ne pas oublier de venir avec son verre, sa nourriture, de quoi dormir...
Le libre-arbitre est l’un des principes de base du fonctionnement. Ce qui remémore en partie l’idéologie hippie. L’argent n’a pas cours dans l’enceinte du B.M, sauf pour le café et les glaces dont l’argent est reversé par les organisateurs à des associations à but scolaire.
Le troc n’est pas non plus l’idée. Donner, sans attendre en retour, l’entraide, la cordialité sont de rigueur.
Le fondement est artistique. Une première édition basée sur le Dadaïsme, suivront ensuite d’autres thèmes, "L’Enfer" de Dante, la roue du temps, rites de passage et i-robots pour cette année. Une fois la thématique communiquée (le plus souvent en décembre), les participants laissent libre cours à la folie imaginative de leurs tenues.
La ville forme toujours une demi-lune dont le centre, visible de partout, est "l’Homme Géant". Il sera brûlé au dernier jour. Cette forme permet aux festivaliers de se réunir par tribus ou camps représentant la variété, la diversité qui n’a de limite que l’imagination.
Organisé par les participants eux-mêmes ils exécutent selon le thème les activités, les explorations les plus vastes. Multiples expositions artistiques, performances à toutes heures, mix nocturnes en plein milieu d’un champs, envies subites (concours de cunnilingus il y a une dizaine d’années), tout autant que des échanges basés sur la connaissance de soi-même et des autres. Le don sans retour attendu même de son corps : c’est le bien-être. Le sexe, les drogues y trouvent une place naturelle, bien qu’ils ne soient pas forcément prépondérants. Il est vrai que souvent on peut être remercié par l’herbe, de l’ecstasy, voire plus, quand les liens se créent. Le principe reste néanmoins, l’ouverture, la découverte qui se perpétue depuis la création. L’exemple souvent repris est celui de Dwight, chauffeur de bus dans l’Ohio, qui construisit avec trois de ses amis une cabane où il servit de la vodka et du thon grillé, (avec ses propres économies) et déclara que l’expérience avait changé sa vie. A l’heure d’Instagram, les mannequins présents sur les lieux sont des ambassadrices toutes désignées, Alessandra Ambrosio, Josephine Skriver, Sara Sampaio qui commenta l’année dernière :« Every year look forward to go to Burning Man, it’s probably one of the most incredible experience of my life, and thank you so much for everyone that made my 3 round burn the best one ever! » Comme quoi l’attachement à ce festival peut venir très vite.
Il faut se souvenir qu’un changement important s’opère en 2008. Un procès vient ébranler le processus. Une scission s’effectue au sein des organisateurs, due aux différences de points de vue, les innombrables arrestations sur le site, les gardes à vue et autres poursuites n’en finissent pas. L’augmentation des taxes imposée par le Nevada a en partie entraîné la flambée du prix des entrées.
En direct via l’organisation, les droits d’entrée sont d’environ 425 $ pour une personne et 80 $ pour un véhicule à retirer le jour de la mise en vente uniquement. Pour les sites qui vendent les billets comptez 300 $ pour un véhicule et plus de 1000 $ le droit d’entrée. A cela s’ajoute de quoi s’auto-suffire pour une semaine, il ne faut surtout pas oublier que l’on ne vient pas les mains dans les poches. Ce festival est un espace d’échanges, pas de profit ni d’abus.
Les participants sont prêts à dépenser des sommes plus qu’importantes pour les tenues dans lesquelles ils se font remarquer, les véhicules d’art, véritables marques de fabrique du Burning Man en plus des jeux de lumières, eux, sont plus abordables. La disparité des participants, de leurs moyens financiers crée des différences, les adeptes semblent peu gênés de la présence d’une population connue ou fortunée, mais plus choqués par les zones privatives avec l’air conditionné et autres particularités.
Le concept reste le même, créativité et liberté absolue. Pour les adeptes les moins nantis, des places à prix réduits sont disponibles. S’ajoute à cela l’intérêt de grands groupes comme Google, déjà installé à Boulder , ville hippie dont ils veulent intégrer une partie de la philosophie, tout en oubliant les changements pour la ville et ses habitants éloignés d’une logique économique intense, ceci explique cela.
Les organisateurs se retrouvent alors bloqués dans leur système de fonctionnement. Il leurs est impossible de changer la méthode de vente des places. Ne pouvant empêcher des sociétés privées de ne pas respecter les règles de bases sous-entendues, non rédigées, des camps clés en main à plus de 25 000 $ la place trahissant l’esprit des créateurs. Ils ne peuvent les empêcher, mais juste les limiter. Ces camps reçoivent, des personnalités prestigieuses Mark Zuckerberg, de multiples mannequins et d’autres chefs d’entreprises.
On vient au Burning Man pour participer à l’esprit commun, vivre des expériences, pas en touriste ! Les venues en jet privé, vont à l’encontre de ces valeurs, tout comme le wifi utilisé dans certaines zones privatives. Des camps dévolus au bien-être physique et mental continus à se déployer tous les ans. Comme ceux basés sur des rencontres physiques d’un seul sexe ou de deux, cette année un espace est réservé aux hommes de plus de 18 ans, qui sera différent la prochaine fois. Toujours en 2018 un autre lieu explore les plaisirs charnels et la relaxation, selon les envies et la volonté des participants ; un endroit géré par des machines, spécialement prévu pour se sustenter selon ses propres désirs. Les conférences, débats, sur l’avenir d’une future humanité respectueuse et différente prennent une place plus importante. Les bars, restaurants gratuits restent une constante, il est bien entendu que le gaspillage n’est pas dans la logique des choses au festival. Les massages, cours de méditation sont dispensés par des participants. Le chamanisme perdure, mais l’exploitation est interdite.
Un souci, véritable point noir, reste pourtant non résolu. Le Burning Man qui prône l’énergie solaire, consomme avec plus de 35 000 tonnes de générateurs une quantité effroyable de carburant. Il semble difficile d’échapper à l’influence commerciale. Dès lors que l’on connaît le succès, les volontés s’y opposent. L’idée a été lancée. Elle semble se mettre en place via des habitués de l’évènement : faire exister le même type de réunions à des niveaux plus locaux, plus fréquents, qui échapperaient aux dérives malheureuses actuelles.