Diet Prada, quand la mode lave son linge sale en public

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Diet Prada, quand la mode lave son linge sale en public
Diet Prada, quand la mode lave son linge sale en public

Justicier de la mode pour les uns, inquisiteur sans état d’âme pour les autres - surtout pour les créateurs de mode - le compte Instagram Diet Prada s’est pourtant inscrit comme une référence aux yeux de tous dans l’industrie fashion. Son concept ? Exposer les plagiats entre designers.

Apparu sur Instagram en décembre 2014, Diet Prada, sorte de Robin des bois 3.0 de la mode, n’a depuis cessé de relayer les scandales, contrefaçons et ragots qui sévissent au sein de ce microcosme d’ordinaire si secret. A l’heure où la mode constitue une des industries mondiales les plus lucratives, elle n’en demeure pas moins archaïque sous certains abords : critiques acerbes, exigences de renouvellements perpétuels, hiérarchie bien ancrée… Aussi créatif qu’impitoyable, ce milieu prospère s’est pourtant fait prendre à son propre jeu avec l’apparition de Diet Prada.

Par le biais de posts incendiaires, le compte épingle sans vergogne les similitudes entre créateurs de mode. Plagiats, falsifications ou inspirations un peu trop évidentes sont de coutumes dans le milieu et peu de recours existent pour les designers abusés. Les frais légaux sont généralement élevés et prennent des années. Mais c’est aussi la peur des représailles au sein de cette industrie qui a fait taire de nombreuses affaires. Face à ce cercle vicieux, et avec l’explosion de l’application, utiliser le "shaming" se révélait donc une solution relativement efficace. Une pratique dans laquelle Diet Prada excelle.

L’idée donc ? Rendre à César ce qui est à César, et de ce fait, tout le monde y passe : Maisons de luxe iconiques, petits designers en devenir et même géants de la fast-fashion. Le compte Instagram n’épargne personne, et dans un milieu où le piston et les messes basses règnent, cette impartialité fait rapidement parler d’elle. Les réactions ne se font pas attendre du côté des créateurs dénoncés - Stefano Gabbana en tête de liste - et les règlements de comptes fusent.

APRES L’ANONYMAT, LA COMMUNAUTE

Si aujourd’hui, le réseau social incisif ne compte pas moins de 790 000 followers - dont plusieurs sommités du milieu comme le top Naomi Campbell, la chanteuse Rihanna, le couturier Nicolas Ghesquière ou Edward Enninful, le célèbre rédacteur en chef de l’édition britannique de Vogue - au moment de sa création initiale, il n’avait pourtant qu’une simple vocation : amuser ses fondateurs, alors anonymes.

Un anonymat, qui lui aussi, intrigue et alimente le buzz autour de Diet Prada. Journaliste oublié, créateur rancunier, critique ennuyé ? Les rumeurs vont bon train, et ce jusqu’au 19 octobre 2017 - soit trois années incognitos - date où l’identité est officieusement révélée. Et derrière ce compte polémique devenu un "must follow" des modeux, se cachent deux personnes pas si étrangères du milieu. C’est l’Américaine Julie Zerbo à la tête du blog The Fashion Law qui a démasqué le duo new-yorkais aux manettes : Tony Liu, diplômé en beaux-arts de la School of the Art Institute de Chicago et fondateur de la marque pour homme You As, et Lindsey Schuyler, designer pour les lunettes FGXI. Il faudra attendre le 8 mai 2018 pour que les Zorro de la mode dévoilent officiellement leurs identités dans une interview - uniquement accessible aux abonnés - exclusive pour le célèbre site Business of Fashion.

Outre la volonté de rendre justice aux petits créateurs pillés par les maisons de renoms et de lutter contre cette forme d’omerta qui enclave l’industrie de la mode, la création de Diet Prada est initialement venue d’une idée aux penchants mi-trolls, mi-lol : constituer une archive regroupant les nombreux copycats mode que les deux amis s’amusaient à relever. Si le duo continue de sévir, désormais, c’est également une communauté auto-revendiquée de « dieters » qui s’attèle à la tâche et qui relève non seulement les plagiats mais aussi toutes sortes d’injustices qui sévissent régulièrement dans le milieu : manque de diversité, de l’utilisation fréquente de la figure de femme-objet ou encore de l’appropriation culturelle.

Pas de quoi s’en faire, Diet Prada n’est plus à un scandale près.

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